Thales, du grabuge chez le Grec

Publié le par GameTheory





Ca y est, on tient notre homme. Un vieux cador, sacrebleu. Une pointure, un boss providentiel, un gros bonnet. C’était officieux, c’est officiel, ou presque : le groupe d’électronique de défense Thales (drones, radars, satellites, guidage missiles) a un nouveau patron, le charismatique Luc Vigneron, ci-devant patron du groupe de défense Nexter. Bienvenue dans l’épilogue glamour du réjouissant opéra-bouffe qui avait abouti à l’entrée de Dassault au capital de Thales. Résumé des épisodes précédents.


Acte 1 : Sarko chasse le Teuton. Alcatel-Lucent, actionnaire à 20,8% de Thales, souhaite se débarrasser de sa participation pour récupérer un peu d’argent. EADS, à l’affût depuis des années, est sur les rangs. Manque de bol, il doit renoncer à faire une offre sur demande expresse de Sarkozy, prompt à voir dans le groupe européen un poste avancé de Teutons à bacchantes, avides d’anschluss industriel sur un fleuron tricolore. Exit donc EADS.

Acte 2 : Papy Serge sort les pépètes. Sarko a une autre idée : il veut persuader son ami Serge Dassault de racheter les fameux 20%, histoire d’ancrer le capital de Thales, ex-Thomson CSF, dans des mains aussi sûres que franchouillardes. A vrai dire, ça emmerde un peu l’ami Sergio, qui n’aime guère se faire forcer la main. Mais bon, l’Etat est quand même le seul client de son chasseur Rafale, et vu la chute de ses ventes de jets d’affaires Falcon, mieux vaut ne pas trop la ramener. Va pour Thales : Dassault signe le chèque d’1,6 milliard d’euros, devenant ainsi le deuxième actionnaire du groupe après l’Etat (26%).

 


 

 

Acte 3 : Maintenant ça va chier. Problème : Papy Serge (Dassault) et Papy Charles (Edelstenne, le patron de Dassault aviation) ne sortent jamais de pépètes sans contrepartie. Ils ont casqué sévère, limite forçage de main. Alors ils veulent le contrôle du groupe, et un patron à leur botte. Pas vraiment le cas du boss actuel, le soporifique Denis Ranque, qui avait vainement tenté de s’opposer à l’entrée de Dassault à son capital. Qu’à cela ne tienne : Dassault fait le siège de l’Elysée pour flinguer Ranque, proposant même un candidat pour le remplacer : François Quentin, directeur de la division aéronautique de Thales.

 

Acte 4 : Thales pris Dassault. Denis Ranque a vent du contrat sur sa tête. Le boss réagit avec une violence qui lui est peu coutumière : il vire François Quentin sans préavis mi-janvier, officiellement pour manque de résultats. Le clan Dassault passe du vert au violet, hurle, promet du sang et des viscères. Mais l’Etat reste inflexible : Ranque n’a pas démérité, pas question de nommer le candidat de Dassault. D’autant qu’un opportun article de la Tribune met violemment en cause sa gestion de la branche aéronautique de Thales.

 

 

Acte 5 : Du grabuge chez le Grec. Quentin plombé, les barons du Grec (surnom de Thales) se découvrent des velléités de chevalier blanc. Alexandre de Juniac, ex-conseiller de Sarko et patron Europe. Pascale Sourisse, patronne de la division espace. Jean-Georges Malcor, nouveau boss de la division aéro. Mais l’Etat va soutenir le nom d’un manager connu de sa mère : Luc Vigneron, patron de Nexter, l’ex-Giat Industries, avant tout connu pour son désastreux char Leclerc. Dassault opine, satisfait d’avoir trouve un « yes man » qui ne lui cherchera pas des poux dans la gouffa.

 

Le dernier acte est en train de se jouer. Malgré l’avis négatif du comité de sélection de Thales (émanation du conseil d’administration) sur la candidature de Vigneron, l’Etat a décidé de passer en force. Un communiqué de Matignon, publié cette nuit, assure que Dassault et l’Etat soutiendront Vigneron malgré tout.

 

 

 

 

Du côté des spécialistes du secteur, on se gondole : l’intéressé a certes redressé l’ex-Giat, désormais rentable, mais au prix de milliers de suppressions d’emplois financées par l’Etat, et d’un chiffre d’affaires divisé par quatre qui l’a ramené au statut de PME (560 millions d’euros, contre 12,4 milliards à Thales…). Le tout sans contrat export, ou presque, et avec des bides retentissants, comme le char Leclerc. Pas de doute : avec une pointure à sa tête, le Grec sera bien gardé.

 


Publié dans Grands fauves

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S
Acte 6 : Alexandre de Juniac, un des 4 big boss, sans autre perspectives que de cirer des pompes, s'en va rejoindre Lagarde au ministère,<br /> <br /> Acte 7 : Vigneron, résolu à imprimer sa patte au plus tôt, annonce qu'il va révolutionner son nouveau jouet : il crée une Direction des Transformations, présidée par... Quentin. Bouté dehors par la petite porte, on le rappelle par la fenêtre.<br /> <br /> Acte 8 : Vigneron essore la poignée : suppression du comité exécutif, demande aux big boss de 2 deux points de marge en sus; refus de Malcor "vous avez vu dans quel état Quentin m'a laissé la division Aéro ?"<br /> <br /> Acte 9 : Rambaud, un des 3 bog boss restant, qui ne peut même pas voir Vigneron en peinture un des 3 "grands boss" restant, dégage à son tout.<br /> <br /> (à suivre)
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B
Bilderberg 2009 : le nombre de banquiers participants est très révélateur. Dans la liste des participants, on trouve des hommes d’Etat (Tim Geithner …), plusieurs ministres des Affaires Etrangères en exercice, des militaires de très haut rang, des responsables de l’OTAN, mais on trouve surtout un nombre incroyable de banquiers.<br /> <br /> Conclusion : les banquiers ont pris le pouvoir, aujourd’hui, en mai 2009. Le pouvoir n’est plus dans les mains des hommes politiques, ni du complexe militaro-industriel. Le pouvoir est dans les mains des banquiers.<br /> <br /> http://www.wacholland.org/nl/nieuws/bilderberg-2009-dag-4-final-day-inclusief-nederlandse-deelnemers
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B
Il doit y avoir deux secteurs, côte à côte.<br /> <br /> 1- Le secteur privé. Son but : être rentable, gagner de l'argent. Le secteur privé s'adresse à des clients.<br /> <br /> 2- Le secteur public. Le but des services publics : servir le public (si, si). Le secteur public s'adresse à des usagers. <br /> <br /> Par exemple : la défense nationale relève du secteur public. La défense nationale n'a pas à chercher à être rentable. La défense nationale n'a pas à chercher à gagner de l'argent. <br /> <br /> Conséquence logique : la France doit reprendre le contrôle de sa défense. Le gouvernement français doit nationaliser les entreprises travaillant pour la défense nationale. et si il n'a plus de pognon, le gouvernement français doit exproprier les actionnaires des entreprises travaillant pour la défense nationale.<br /> <br /> Bien sûr, Sarkozy ne le fera pas, Fillon non plus. Leur successeur le fera peut-être un jour.<br /> <br /> En 2034.
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E
Et bien, faut bosser chez Thalès ou Dassault pour avoir vent de tout cela ;-)<br /> Excellent article qui confirme les soupçons de magouille entre public et privé. Si seulement on pouvait porter plainte plus faiclement et gratuitement...<br /> Car là, y'a de la corruption, de l'abus de biens sociaux qui doit bien trainer tout de même.
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