Cinq bides pour 2010, épisode 4 : l’imposture Estrosi
Nom : Estrosi. Prénom : Christian. Profession : « ministre de l’Industrie », clame son CV sur le site web de Bercy. « Imposteur », corrigent les familiers de son bureau de Bercy, patrons et syndicalistes confondus. Avec son sourire de bellâtre azuréen et sa coiffure de Playmobil, Estrosi a vite appliqué les préceptes de l’Evangile selon Sarko : un melon sur-développé, beaucoup de bruit, peu de résultat. En y ajoutant, soyons honnête, une innovation majeure : avec lui, les poissons d’avril, c’est tous les jours.
« 95% de chances de sauver Heuliez » ? Rascasse d’avril. « 400 emplois pour les New Fabris » ? Marlin printanier. « La suspension des achats des constructeurs automobiles français à Molex » ? Thon rouge des Rameaux. C’est plus fort que lui : Estrosi cultive les promesses comme d’autres les bonzaïs poivriers. Dans les usines, les salles municipales, au JT, ou dans les dizaines de communiqués dont son cabinet inonde les rédactions. Des promesses « qui seront tenues », des engagements « solennels », des investissements par millions, des repreneurs turcs, kirghizes ou turkmènes au portefeuille bien garni.
On connaissait « Motodidacte », son surnom (avec "Bac moins 5") en référence à son absence de diplômes et son passé de coureur de Grand Prix Moto, en bon réac niçois. Militant pour le rétablissement de la peine de mort en 1991, jusqu’à déposer une proposition de loi en ce sens. Hostile au PACS, jusqu'à s’en donner des ulcères. Rapporteur de la sinistre loi de sécurité intérieure. Prêt à louer un jet d’affaires Falcon 900 à 138 000 euros pour un Paris-Washington, histoire de ne pas rater une petite sauterie sarkozienne à l’Elysée. Capable de s’en excuser, puis de revenir sur ses excuses suites aux remontrances du « grand Mamamouchi à talons compensés » (© Georges Frêche, humoriste occitan).
Voici donc Estrosi reconverti en « ministre des ouvriers ». Le héros de la dernière chance, seul capable de « substituer au chœur des pleureuses le chœur des combattants.» Eh bien, disons-le tout net : pour le San Ku Kaï du made in France, on repassera. Prenez Molex, dont le ministre voulait faire « un dossier de référence». De fait, l’équipementier automobile basé à Villemur-sur-Tarn sera été une belle illustration de la patte Estrosi : 15 salariés véritablement repris par le fonds d’investissement américain HIG, plus une trentaine à terme mais sans garantie, sur un effectif initial de 283 salariés. Le tout sous perfusion d’argent public, avec 6,6 millions d’euros apportés par l’Etat. Une « référence », effectivement.
Mais il y a plus goûtu. 31 juillet 2009 : l’équipementier auto New Fabris ferme son usine de Châtellerault. 366 salariés au tapis, mais un ministre qui claironne : «Nous avons signé pour l’installation d’une papeterie qui est en train de créer 240 postes de salariés dont un grand nombre, grâce au contrat de transition professionnelle, d’anciens salariés de New Fabris sont en train d’être reclassés dans cette papeterie.» Comme l’a judicieusement dévoilé Libé, les premiers travaux ne sont prévus que pour 2011, l’usine de papier n’ouvrira qu’en 2014, et l’entreprise en question, Delipapier n’a pas le droit, et encore moins l’obligation, d’embaucher les New Fabris plutôt que d’autres candidats. Encore une belle truite saumonée façon niçoise.
On pourrait continuer longtemps. « Non, nous ne laisserons pas la Clio 4 être produite en Turquie » ? Loupé : Renault en produira une partie en France, et le reste chez Atatürk. « Non, la raffinerie de Dunkerque, ce n'est pas fini » ? Nouveau bide: Total a annoncé la fermeture du site le 8 mars. Quant au fameux « Bill Gates turc », Alphan Manas, énième repreneur fantôme du carrossier Heuliez, « une très belle nouvelle pour Heuliez et ses 600 salariés » selon Estrosi, le bonhomme s’est contenté de déposer hier une pseudo-offre sur 15% du capital avec deux partenaires anatoliens connus de leur mère. Pas de doute : Estrosi est manifestement plus doué pour poser avec Robert de Niro à Nice que pour sauver des usines. Chacun son truc, Cricri.