Orange mécanique

Publié le par GameTheory


didierlombard.jpg    Ici, on parle “time to market”. “Consumer experience”. On ne lance pas un produit, on réfléchit à son “delivery process”. On a l’obligation de ”make it easy”, les développements doivent être faits en “fast track”, et surtout, rester “customer focused”. Le franglais est l’idiome officiel, les murs sont des tableaux effaçables sur lesquels on peut écrire et biffer, les salariés sont des types cools qui ne parlent pas mais “échangent”, notamment lors des “open drinks and demos”. Et tout est orange, bon sang, tout. De quoi perdre cinq dixièmes à chaque œil quand on regarde la moquette.

    Bienvenue au Technocentre d’Orange, le centre de recherche et développement ultra-moderne de France Télécom. Un bâtiment de verre à Chatillon, au sud de Paris, pensé pour accélérer le processus d’innovation de l’opérateur. Un peu comme son homonyme de Renault, à Guyancourt, les bagnoles et les suicides en moins. Blague foireuse terminée. Chemise bleue à col blanc collection 1995 et smartphone tactile à la main, le rubicond patron de France Télécom, Didier Lombard, n’était pas peu fier de faire visiter son joujou à une poignée de journalistes ce matin : «Parmi les opérateurs, nous sommes parmi ceux qui mettent le plus de moyens sur la R&D. Le but est déviter le syndrome Xerox : un innovateur qui n’a jamais su profiter de ses trouvailles.»

    De là à dire, comme Gilles Fontaine, qu’Orange est devenu plus agile que Free, il y a un pas de brontosaure que je m’abstiendrai de franchir. Fi de blagounettes : Free a plus bousculé le marché en huit ans avec deux personnes, le fondateur Xavier Niel et son directeur technique Rani Assaf, que l’armée mexicaine de 4000 chercheurs de France Télécom ces vingt dernières années. Et je pense qu’on enterre un peu vite l’ami Niel en ce moment, mais c’est une autre histoire.

    Revenons au Technocentre. Le bâtiment se veut le symbole du nouveau fonctionnement de la R&D chez France Télécom, directement jailli du cerveau du bedonnant Lombard. Qui avait déjà donné côté recherche old school, merci pour lui : le boss de FT avait débuté comme chercheur au CNET, la cellule recherche et développement de feu les PTT. Nommé PDG en 205, il a décidé d’envoyer valdinguer le vieux modèle de labos bossant chacun dans son coin. Au Technocentre, les 700 personnes y travaillent par équipes de 3, les «3P» : un marketer, un développeur technique, et un partenaire chargé de la mise en place. Objectif accélérer le rythme des innovations en faisant bosser tout le monde en même temps, et plus de manière successive, ce qui divise par deux à trois le temps de développement d’un produit.

    Le centre travaille en lien avec une autre invention Lombard, l’Explocentre, sorte de repaire parisien de créatifs à mèches et veste Adidas vintage. Des designers, pubards, techniciens, ayant pour mission de créer des produits vraiment originaux et étonnants. «Disruptants», diraient certains. Les labos de R&D d’Orange (San Francisco, Tokyo et Séoul, mais aussi Varsovie, Amman et le Caire) sont aussi mis à contribution, chacun dans leur spécialité : Services mobiles, après-3G pour le Japon, jeux et très haut débit en Corée, Web 2.0 et design en Californie

    Maintenant, il va falloir voir ce qui sort de ce qui n’est pour l’instant qu’un bel outil qui sent la peinture, et ne demande qu’à monter en puissance. Rien de révolutionnaire vu ce matin dans les paluches potelées de l’ami Lombard : des Livebox noires et blanches de différentes tailles (super), dont certaines marchent sur réseau 3G (génial), des programmes qui permettent de transformer son portable en télécommande universelle à la maison (vas-y Didier, c’est bon), des mobiles qui diffusent la télé sur réseau 3G, DVB-H et tout le tintouin (bouleversifiant). Quant au téléphone Unik, à la fois fixe et mobile, sorti l’année dernière, il affiche un succès très relatif.

    Mais la puissance de frappe est là, les investissements aussi (856 millions d’euros pour la R&D en 2006, 1,7% du chiffre d’affaires). Et France Télécom dépose 500 brevets par an, qui viennent s’ajouter aux 8000 déjà en portefeuille. L’histoire ne dit pas s’ils sont écrits en franglais.


Publié dans Sur le terrain

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T
"succès très relatif"... je te trouve bien indulgent avec Unik, qui selon moi devrait figurer dans ta série "les grands bides de l'éco". France Télécom dit en avoir vendu 500.000 environ, mais oublie de préciser que seulement un acheteur sur deux active ensuite l'option Unik... il est fort à parier que nombre d'eux ne savent même pas qu'ils ont cette option et ont juste acheté ce téléphone parce qu'il est mis en avant et volontairement bradé par Orange. ça nous fait donc environ 250.000 "vrais" utilisateurs d'Unik... sur un total de 23 millions d'abonnés. Si ça ne ressemble pas à un bide...
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G
Tu m'as convaincu. Va pour un "grand bide" sur Unik dans quelques mois, je le mettrai avec son copain Twin, son homologue de Neuf Cegetel, dont je n'ose même pas imaginer les ventes...