Neuf t… filles en or pour 2009, épisode 8 : Anne Lauvergeon, atome crochu

Publié le par GameTheory





            Attention, terrain salement glissant. Quand il évoque Anne Lauvergeon, le blogueur sait qu’il ne sortira pas indemne de l’immanquable courroux généré par sa prose. Deux risques : se prendre dans les chicots les saillies des opposants au nucléaire, qui voient dans la patronne du groupe nucléaire Areva le symbole d’une énergie dangereuse et datée. Ou réceptionner, via ces mêmes chicots, la sainte colère des fanas de l’atome, prompts à voir en Lauvergeon la formidable VRP d’une énergie d’avenir, en plein retour en grâce suite aux inquiétudes sur les énergies fossiles. Si les lecteurs sont en forme, l’imprudent peut même encaisser les coups des deux côtés. Joli programme.

 

          Faisons donc acte de franchise : Sobiz a les fesses qui font bravo au moment d’écrire ce post. Il balise, le bougre. Il frissonne, il flippe, il flageole. Pas moyen d’y couper, pourtant : Areva et sa présidente sont sous les feux de l’actu depuis une semaine, entre le retrait annoncé du groupe allemand Siemens du capital du groupe français, les problèmes financiers d’Areva et le contrat géant de 5 milliards d’euros annoncé ce matin avec EDF. Mieux, le sort d’Anne Lauvergeon pourrait se régler au conseil de surveillance d’après-demain, 5 février, qui devra trouver les 2,7 milliards qui manquent pour financer les investissements 2009 du groupe.





 

Qu’est-il donc arrivé à « Atomic Anne », son surnom aux US, symbole de la réussite d’une femme à la tête d’un groupe mondial ? Résumé des épisodes précédents. Anne Lauvergeon est une femme brillante, à qui, jusqu’à présent, tout avait réussi. Agrégée de physique, ingénieur des Mines, « sherpa » de François Mitterrand, qui préparait notamment les sommets du G7, elle avait, à la tête de la Cogema, réussi à mener à bien la fusion géante des deux champions du nucléaire français, Framatome (construction et exploitation de centrales) et Cogema (cycle du combustible), rassemblés au sein d’Areva. Au point de s’imposer comme l’une des patronnes les plus puissantes du monde, habituée des classements Forbes et objet d’une fascination quasi-chamanique chez ses thuriféraires.

 

          Areva, c’est quoi ? Un groupe nucléaire présent sur toute la chaîne du secteur : en gros, Areva NC (Ex-Cogema), spécialiste du cycle du combustible ; Areva NP, qui construit et exploite des centrales nucléaires, dont l’allemand Siemens possédait 34% jusqu’à l’annonce de la semaine dernière ; et Areva T&D, qui commercialise des systèmes de transmission et de distribution d’électricité. En clair, Areva est présent des mines d’uranium à la gestion des déchets nucléaires, leur traitement, leur recyclage. Un positionnement d’acteur intégré qui lui permet d’être un leader mondial du secteur, avec 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2008, et un actionnariat public dominé par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA, 78% du capital), plus la CDC et l’Etat.


 




          Voilà pour la théorie. Dans les faits, Areva est trop petit pour consentir seul les pharaoniques investissements nécessaires à sa stratégie, 11 à 12 milliards d’euros d’ici à 2012. Pire, Lauvergeon se débat à court terme pour trouver les 2,7 milliards manquants aux investissement de 2009, là, maintenant. Et pour couronner le tout, l’allemand Siemens, partenaire à 34% au sein d’Areva NP, vient d’annoncer qu’il allait vendre sa part. Afin, disent les contempteurs des chevaliers teuntoniques, de se jeter dans les bras des Russes, en pleine relance de leurs activités nucléaires. Areva paie certainement ainsi les multiples sales coups de Sarko à Merkel, qui avait, entre autres joyeusetés, empêché Siemens de racheter Alstom, mais ça, c’est une autre histoire.

 

          Bref, ça fleure le Brise senteur pinède pour « Atomic Anne ». Sa solution, une introduction en bourse pour financer ses investissements, semble écartée par l’Elysée. Le départ de Siemens la met dans l’embarras à court terme, puisqu’il faut théoriquement trouver les fonds pour racheter cette part. Il relance surtout l’autre alternative, défendue par l’ennemi juré de Lauvergeon, le PDG d’Alstom Patrick Kron : une fusion entre Alstom, qui fabrique les turbines des centrales, et Areva, qui en conçoit les « cœurs nucléaires ».




 

Ce rapprochement, la PDG d’Areva l’a toujours combattu. Pas de synergie, dit-elle. Faux, répond Kron :  la fusion créerait un champion français du nucléaire. Erreur, matraque Lauvergeon, de toute façon le problème de Kron, c’est qu’il a un R en trop, pas possible de s’entendre avec un type qui fait des TGV en mousse et des turbines en carton. Divagation, s’étrangle Kron, qui assure aux journalistes, en riant à peine, qu’il fait goûter tous ses plats pour voir si Lauvergeon n’y a pas mis un complément alimentaire à la sauce Popov. Ces deux-là ne se donnent même plus la peine de cacher leur haine, et Sarkozy se garde pour l’instant bien d’arbitrer.

 

Que peut faire Lauvergeon pour s’en sortir à court terme ? Rien sans l’aval de l’Etat. Mais les pistes sont nombreuses : vente des 26% du groupe minier Eramet ; cession des parts d’Areva dans Total, STMicro pour récupérer quelques liquidités ; rapprochement avec EDF, le principal client ; faire monter Total dans son capital, en profitant de ses bonnes relations avec le moustachu PDG Christophe de Margerie ; faire appel au nouveau Fonds stratégique d’investissement (FSI) même si le fonds souverain à la française, avec ses 6 milliards de liquidités obtenues par emprunt, semble avoir les mollets un poil faiblards.




 

          Les dernières annonces montrent en tout cas qu’on aurait tort de vendre la peau de Lauvergeon, ou plutôt son scalp, au rigolard et soupe au lait Patrick Kron. Lauvergeon a de l’entregent, du caractère, -au point, dit-on, que même Sarko ne se risque pas à l’emmerder. Et sitôt les premiers papiers évoquant ses difficultés, elle a réagi, façon bulldozer. Un contrat géant avec EDF, pour l’enrichissement de l’uranium a été opportunément signé aujourd’hui par Areva. Cinq milliards dans la popoche. Et boum, quelques heures plus tard, un contrat d’au moins deux EPR, centrales nucléaires de troisième génération, est annoncé. Il devrait être signé demain avec l’Inde. La suite au prochain round.




Publié dans Grands fauves

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