Stock options, le Mecano de la Générale
Non, franchement, non. Ne comptez pas sur SoBiz pour taper une fois de plus sur le malheureux Daniel Bouton. Trop facile. Trop attendu. Et déjà fait : là, là et là, avec cette « haine, moteur des frustrés de la vie » dénoncée par le grand penseur contemporain Jacques Marseille, fort contrit du petit laïus que ce modeste blog lui a consacré. Salut à toi, Jacquot, et bravo pour ton œuvre.
Revenons à nos Bouton. Kaput, le Dany. Fini, embaumé, placardisé dans son bureau, paria d’un aréopage de gros bras du CAC au sein duquel il est désormais persona non grata. Donc on n’en parle pas. Eh bien si, parlons-en, de Daniel Bouton. Une dernière fois. Et parlons aussi du deuxième Bouton en partant du haut, l’impayable Frédéric Oudéa, puisque ces deux-là ont réussi à se faire délester de leurs stock-options par une Christine Lagarde transformée en passionaria gauchiste et une horde de Soviets de l’UMP. Ce qui les a obligé à se fendre d’une émouvante lettre d’explications à leurs salariés, un modèle de mauvaise foi et de foutage de gueule.
Qu’avaient donc mijoté nos deux amis ? Petit résumé. L’année dernière, les cadres dirigeants de la banque s’étaient fait voter un plan de quelques dizaines de milliers de stock options, au cours de 67,08 euros. Autrement dit, il s’octroyaient le droit d’acheter, à échéance de cinq ans, des actions de la Société Générale à ce cours de 67 euros, en espérant que la montée du titre les autoriserait à les revendre avec de juteuses plus values. Exemple : si le cours montait à 87 euros, c’était 20 euros de plus value par titre. Précision utile : au moment du lancement de ce plan de stock-options, l’action était déjà à 80 euros, selon le Canard Enchaîné. On n’est jamais trop prudent.
Problème : Kerviel est passé par là. Puis la crise et ses dommages collatéraux, dont l’action, qui plongera même sous les 30 euros. Autant dire la fin des espoirs de pactole, le titre n’étant pas parti pour remonter à 67 euros avant un bail. Mais les financiers, leurs produits dérivés l’ont bien montré, ne manquent pas d’imagination. Le cours est bas ? Profitons-en pour faire un nouveau plan de stock-options, basé, cette fois, sur un cours de 25 euros.Là, pas trop de risque que l’action plonge plus bas : l’Etat est venu à la rescousse, et la banque a eu le temps de reconstituer ses marges. Mieux, l’action a repassé la barre des trente euros. Oudéa, nouveau patron opérationnel, pensait donc que le mécanisme passerait comme un lettre à la Poste.
C’était sans compter sur les nouveaux convertis au bolchévisme. Les Lagarde, les Lefebvre (ci-dessous), les Chatel qui, trop heureux de pouvoir s’offrir une popularité à si bon compte, se sont fait un plaisir de cogner à bras raccourcis sur les dirigeants de la Générale, obligés de renoncer piteusement et en public à leur petite friandise.
Quelle leçon tirer de cet ubuesque opéra-bouffe ? Un, que les plans de stock-options sont désormais sous surveillance, de même que les golden parachutes, cf l’affaire Thierry Morin, le dégraisseur de Valéo. C’est un bon point. Deux, que le principe même des stock-options fait désormais débat. Là encore, à la bonne heure : les stock-options sont un moyen d'inciter les dirigeants à « créer de la valeur » pour les actionnaires, autrement dit à faire monter le cours de Bourse. Les cours élevés des titres Lehmann ou AIG juste avant leur chute et les conséquences que l’on sait, montrent que ce critère est au mieux arbitraire, au pire criminel, même s’il est souvent maquillé par d’obscurs critères de performance et de benchmarking.
Philippe Frémeaux, d’Alternatives Economiques, propose d’imposer aux dirigeants de lever leurs options à une date fixe, même en cas de moins-value. Ce qui aurait pu obliger les petits filous de la Sogé à acheter des titres à 40 euros au dessus du cours de Bourse si celui-ci ne décollait pas dans les cinq ans. Intéressant, mais ça ne résout pas le problème du critère. Qui croit encore à la signification d’un cours de Bourse ?