Boursorama, bienvenue chez les oufs

Publié le par GameTheory





 

    S’il vous prend un jour l’irrépressible envie de tailler le bout de gras avec quelques spécimens de la décadence occidentale, vous avez deux possibilités : le Paris Tuning Show, où le Jacky en tee-shirt Dolce&Gabbana chasse la jante argentée et la croupe bienveillante ; ou les forums du site boursier Boursorama, réputés pour le bon goût des maîtres de maison.

    Les premiers sont assez inoffensifs, excepté peut-être pour leurs voisins et leurs amortisseurs. Les seconds le sont nettement moins, malgré le côté pittoresque de leur étrange novlangue. Extraits :


 

 



-        « Je viens de vader à 490, le canal est baissier

-        Mouais, les indicateurs stochastiques ne donnent pas de signaux clairs pour les jours à venir

-        Hé, le MACD est négatif et inférieur à sa ligne de signal !

-        Lol

-        Les commodities sont en chute, faut vendre ERA

-        Lol

-        La semaine prochaine Pull-back sur 568 voire 590 en extension puis

début de la grande vague de baisse

-        Sinon, je vais sur SEV car il y a plus de blé a gagner..

-        T’en penses quoi GG ? Au secours !!!! »

 



Ou encore, le très classieux cri du coeur adressé à l'action Eramet :





- « Tu vas monter, salope ?

- Lol »

 







    Le problème, c’est que ce sont ces gens-là qui font un cours de Bourse. Qui définissent la valeur d’une entreprise, décident de son avenir et, parfois, de sa stratégie. Bien sûr, le rôle des grands investisseurs est primordial : fonds d’investissement, fonds de pension, fonds souverains, banques d’affaires, investisseurs institutionnels etc.



    Mais on aurait tort de sous-estimer l’influence du boursicoteur lambda, de ses vapeurs, de ses paniques, de ses TOC. Alain Minc, dans un de ses rares instants de lucidité, parlait des « 100 000 analphabètes qui font les marchés dans le monde ». Le chiffre était certainement sous-estimé. Mais le constat reste le même. « Les Bourses ne traduisent pas l’état des économies, mais la psychologie des investisseurs », disait Françoise Giroud.





     Et les investisseurs, ça a souvent une psychologie complexe, qui se retrouve dans les chiffres. Petit cours de finance. Pour calculer la valeur d’une boîte à un moment donné, analystes et observateurs utilisent un calcul simple : le nombre d’actions de la société, multiplié par la valeur de ladite action. Prenons le groupe Carrefour : 700 millions d’actions à 35 euros pièce : avec une bonne vieille calculette à capteurs solaires, on arrive grosso modo à 24 milliards. On appelle ça la capitalisation boursière, ou valorisation, c’est le prix théorique que devrait payer un éventuel acheteur en cas d’OPA pour avoir 100% du capital. Si on exclut une explosion du cours pour cause de spéculation, évidemment.



     Le hic, c’est qu’en comparant cette valeur estimée aux fondamentaux d’une boîte
, c’est-à-dire ses ventes ou ses résultats financiers, on a souvent des surprises. Faurecia, l’équipementier automobile français, 12 milliards d’euros de chiffres d’affaires 2007 : 670 millions de capitalisation. Maroc Telecom, 2,5 milliards d’euros de CA : 14 milliards de « capi ». Soit autant que Saint-Gobain, pourtant vingt fois plus gros, presque autant que Renault, et trois fois plus qu’Air France-KLM. Le premier distributeur mondial de produits électriques, le Français Rexel, vaut 2 milliards, soit à peine deux mois de son chiffre d’affaires. Et on pourrait continuer longtemps.

 



 



     Bien sûr, les valorisations dépendent de la santé des différents secteurs
 : les « pétrolières » sont prisées en ce moment, quand les « immobilières » n’en finissent pas de morfler. Le chiffre évolue aussi en fonction de l’importance du capital flottant (qui peut s’échanger en bourse). Mais une grande partie des valorisations se résume en trois mots : n’importe quoi.


    Alors, on peut vader ce qu’on veut, torturer les indicateurs stochastiques, s'expertiser le canal baissier, le côlon ou les trompes de Fallope, il y a des choses que rien n’explique, sinon l’encéphale tordu de nos amis boursicoteurs. Je préfère encore le Jacky à Ford Escort.

 


 

Publié dans Attentats

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G
Nicolas Miguet, je te vade.
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